IN FINE

Sélections des travaux présentés au jury du 24 juin 2016

Ce programme international apporte depuis 1999, en lien avec des partenaires internationaux, un point de vue élargi et désintéressé sur les villes-ports du pourtour méditerranéen. Il tente de nourrir l’image collective au sujet des espaces publics et communs, tel que ceux que Walter Benjamin a pu décrire avec une grande poésie dans ses récits qui habitent encore l’imaginaire de notre culture (W. Benjamin, A. Lacis « journal de Naples », 1925 W. Benjamin, Images de pensée).

Pas moins aujourd’hui que dans la période couverte par l’histoire vaste et panoramique de la Méditerranée décrite par Fernand Braudel (F. Braudel La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Ph. II, Paris, A. Colin, 1949), cette large étendue d’eau est au cœur des contacts économiques et culturels de l’Europe avec l’Afrique et l’Orient. Elle a une importance cruciale pour la poursuite du développement de l’Europe. Les gens voyagent encore au travers d’elle, y font du commerce, y échangent des idées, de temps en temps s’y font la guerre, y pêchent le poisson, la polluent ou se noient en elle.

L’étude d’Istanbul traversera trois échelles. De l’échelle géographique à celle du quartier, elle interrogera plusieurs disciplines, afin de renseigner les étudiants sur les aspects contraignants du projet d’architecture.

  • L’approche géographique, décrite comme ‘quasi immobile’ par Fernand Braudel,permettra de comprendre la position d’Istanbul comme interface et lieu de rapprochement entre les trois continents qui sont limitrophes à la Turquie, mais aussi les rapports de l’homme au milieu. Le fin territoire composé de deux péninsules de part et d’autre du Bosphore, est à la croisée de terres et de cultures différentes, mais aussi un point de passage entre deux mers, la mer Méditerranée et la mer Noire. Centré néanmoins sur la discipline de l’architecture et en se concentrant sur Istanbul à trois échelles, le projet veut étudier les possibles connexions durables parmi les développements contemporains et la richesse persistante des mondes passés.
  • L’approche urbaine permettra de comprendre ‘le temps social’, les différents usages du domaine public et ses améliorations possibles, dans cette ville aux hauts degrés de porosité entre l’espace public et privé, entre nature et culture. Elle s’attardera aussi à l’étude de l’érosion progressive de ceux-ci. C’est à cette échelle que sera étudiée le patrimoine naturel, architectural et vivant en place pour révéler la qualité du contexte écologique (maillage vert et bleu), le haut patrimoine en place (bâti et non bâti) et les aspirations des habitants à sauvegarder et faire évoluer l’identité de leur cité.
  • L’approche architecturale sera celle du ‘temps individuel’, celui de ‘l’agitation de surface’, à l’échelle de quartiers en mutation ou en crise. Elle permettra de se mettre à l’écoute des besoins spécifiques communiqués par des acteurs de terrain et des associations locales.Cette proposition, en se concentrant sur la ville portuaire d’Istanbul, cherche à renforcer des liens à différents niveaux.
    En partageant les leçons connues au centre et au nord de l’Europe et apprises à Istanbul, il s’agira de comprendre les défis et les opportunités de diversités culturelles et sociales à l’histoire longue et complexe. Il s’agira de rencontrer un large éventail de partenaires pluridisciplinaires et trans-sectorielles, en vue de promouvoir la cohésion sociale et la citoyenneté active, donnant aux étudiants un sentiment proche de la réalité pour laquelle ils conçoivent.

C’est un fait aujourd’hui, la moitié de la population mondiale est devenue urbaine. D’après les experts, 2 habitants sur 3 le sont déjà dans les pays du pourtour méditerranéen et, vers 2030, ce sera les trois quarts. Partout dans les pays méditerranéens, les villes, autrefois compactes, se déploient en tache d’huile sous forme tentaculaire ou le long des littoraux, gagnant les périphéries, absorbant les villages et consommant les terres agricoles. 8

1 projet – 3 échelles – 1 intérêt fractal

A l’échelle du grand paysage : formaliser des projets d’espaces urbains inscrits dans les maillages bleus et verts pourraient réconcilier Istanbul avec une identité de ville en pente et de ville front de mer.
A l’échelle de l’espace public métropolitain inventé : favoriser l’implantation d’infrastructures et d’institutions publiques contemporaines au service des stambouliotes permettraient aux habitants de continuer à pratiquer l’espace public au cœur du centre historique.

A l’échelle des îlots et des parcelles: encourager la réhabilitation d’îlots singuliers et de certains vides urbains de la ville ancienne, permettrait le contrôle du développement diffus tout en réinventant une mixité urbaine contemporaine.

Chances pour lier la ville au port

Aménager les quais des ferrys comme lieu urbain et pas seulement comme monofonctionnel – Retenir le trafic automobile lié aux ferrys au niveau du port
– Libérer un nouvel espace public sur l’eau
– Libérer une longueur de quai pour de nouveaux usages

Réhabiliter les chantiers navals et rive nord de la Corne d’Or en espaces pour les stambouliotes

  • Permettre de renouer avec le génie du lieu à l’échelle du grand territoire
  • Revaloriser l’infrastructure en place, fluviale et viaire, à la faveur d’un nouveau parcécologique
  • Tisser un vide urbain le long des rives
  • Représenter la chance d’un nouvel espace urbain à l’échelle métropolitaineAssurer une metropolinattitude
  • Revaloriser des longueurs des rives de la Corne d’Or et plus particulièrement au sud deGalata offrirait un espace à l’échelle du grand Istanbul, liant la ville ancienne et la périphérie. Le dessin de ces lieux sur la continuité des quais pourrait intégrer une promenade accessible aux habitants de la périphérie grâce aux bouches de métro.
  • Participer de l’élan de facilitation des déplacements au travers de la mégalopole d’Istanbul par le réseau de métro qui connecte largement chaque quartier.
  • Relier la ville aux larges étendues d’eau permettrait d’encaisser toutes les échelles et tous les usages, de la promenade à l’activité portuaire.Dessiner le parkway intégré à la ville
    Lui donner la forme d’une nouvelle voie urbaine
    Connecter les hubs
    Participer au dessin du nouveau paysage
    Permettre au droit des hubs des traversées piétonnes facilitéesInventer des hubs ville-mer / des hubs rive-rive
    Reconnecter la ville avec les quais
    Composer le rivage d’Istanbul
    Définir l’échelle intermédiaire entre ville dense et vide métropolitain

Istanbul, Stambul, Constantinople, Byzance fut et est encore à la croisée de deux continents, de deux civilisations, mais aussi à la croisée de deux mers. Cette situation géographique la place au carrefour de tous les réseaux marchands entre Orient et Occident et au cœur de cultures multiples… Mais ceci relève du lieu commun.

« Si par le passé Istanbul était franchement tourné vers la Méditerranée, de nos jours, cette orientation est moins évidente et mérite en tout cas d’être discutée. La seule Méditerranée qui existe pour Istanbul est en fait la Méditerranée lointaine, nord-occidentale (c’est-à-dire européenne). Au terme de notre examen, on découvre en fait une métropole « hémiplégique » avec une face active vers la mer Noire et une face encore peu active vers la Méditerranée surtout la Méditerranée proche. »3

L’histoire d’Istanbul/ un palimpseste où s’inscrire aujourd’hui

De ces richesses culturelles et de commerces la ville s’est construite. Jadis, capitale d’un empire puissant romain, byzantin puis ottoman, son aura décline dès le XVIIème siècle. Vivotant jusqu’à son indépendance en 1926, la ville a explosé à la fin des années ’40 sous le poids de l’exode rural. Aujourd’hui, la ville s’est étalée et les politiques de régénération et de renouvellement des centres villes anciens paraît une solution pour contrer les extensions périurbaines, réduire les impacts environnementaux et améliorer le cadre de vie. Mais il ne faut pas en oublier les fondamentaux qui ont construits Istanbul comme toutes les villes méditerranéennes.

« Parler de ville, c’est parler de culture et de civilisation. Car la ville est une création culturelle collective,diverse »

selon les mots d’Hélène Ahrweiler. C’est particulièrement vrai dans le monde méditerranéen, les langues grecque et latine le rappellent par leurs étymologies (cité / civilisation; polis / politismos).4

« Mais peut-on parler d’un modèle méditerranéen de la ville ? Marcel Roncayolo nous met en garde contre une vision unique, même s’il pointe des ressemblances. Quant aux stratégies urbaines, elles semblent converger autour de projets de grande ampleur susceptibles d’attirer entreprises et investisseurs étrangers. »5

La politique urbaine de revalorisation de la ville :

La ville, se construisant sur elle-même, peut contribuer de façon significative à la durabilité du développement sur le plan environnemental. Le terme « renouvellement urbain » est utilisé pour qualifier les nouvelles politiques à l’ouest de l’Europe et notamment, une « montée en puissance des références culturelles et patrimoniales ». La revalorisation du patrimoine est devenu un outil pour améliorer l’image de la ville, pour accueillir de nouveaux équipements aussi. Mais la politique de régénération dans les périphéries d’Istanbul va plutôt dans le sens de la démolition/ reconstruction des Gecekondu en faveur des complexes de logements Toki.6 Et c’est dans le centre historique que la ville entrevoit la régénération urbaine comme un vecteur de politique culturelle.7 Mais cette remise en valeur du patrimoine par le biais de l’industrie touristique et culturelle ne risque-t-elle pas de faire perdre à la ville son authenticité et à ces habitants leur sentiment d’appartenance ?

Car est bien là la question, comment garder au cœur de la ville une représentation de la diversité culturelle unique d’Istanbul, où chacun s’épanouit et tous font ville.

L’économie :

L’industrie a presque totalement migré hors la ville. Des espaces laissés pour compte persiste au sud de Beyoglu et sur la rive nord de la Corne d’Or. Il existe aussi dans le centre de nombreuses micro-productions artisanales. Alors comment réagir face au tourisme qui apparaît comme un levier de nouveau développement pour ce type de cités en détresse économique ? Le tourisme, première ressource d’économie mondiale tend à gagner du terrain à Istanbul, mais à quel prix. Rien ne paraît adapté à ce type d’entreprise. Le tourisme occupe sans vraiment fabriquer l’espace.

Le grand paysage et son identité :

Depuis les années ’90, les villes portuaires d’Europe du sud transforment leurs vastes zones portuaires suivant le modèle nordique ou américain des années ‘60. Mais ne devrait-on pas s’interroger sur les spécificités méditerranéennes de ces lieux en reconversion. A Istanbul, la prise de conscience du contexte environnemental permettrait à la ville de renouer non seulement avec ses rivages mais aussi avec ses maillages verts et les traces antiques, byzantines et ottomanes.


3 Istanbul, une métropole méditerranéenne ? Critique d’un lieu commun tenace, Jean-François Pérouse, Cahiers de la Méditerranée, 64/2002 : Les enjeux de la métropolisation en Méditerranée, http://cdlm.revues.org/76
“Faire Méditerranée” en Turquie: utopies et bricolages, Jean-François Pérouse, Institut français d’Etudes Anatoliennes, 25/09/2013, http://ifea-istanbul.net/index.php?option=com_k2&view=item&id=3184:%E2%80%9Cfaire-m%C3%A9diterran%C3%A9e%E2%80%9D- en-turquie-utopies-et-bricolages&Itemid=523

4 L’Europe en Méditerranée ou la ville-culture, Catherine BERNIÉ-BOISSARD, Revue géographique des pays méditerranéens, 114/2010 : Villes cultures en Méditerranée, http://mediterranee.revues.org/4138
5 Un pied dans la tradition, un autre dans la modernité, par Antoine Loubière, Revue Urbanisme, n°369, nov-dec 2009, Villes méditerranéennes, http://www.urbanisme.fr/issue/report.php?code=369

6 The Gecekondu Rural Migration and Urbanization, Kemal H. Karpat, 1976, EJTS
7 les politiques culturelles comme un outil de regeneration urbaine: le cas de la corne d’or, istanbul, Ceyda Bakbasa Doctorat de l‘Université de Paris 1 en Géographie , nov 2013, https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00999349/document

Ce programme international apporte depuis 1999, en lien avec des partenaires internationaux, un point de vue élargi et désintéressé sur les villes-ports du pourtour méditerranéen. Il tente de nourrir l’image collective au sujet des espaces publics et communs, tel que ceux que Walter Benjamin a pu décrire avec une grande poésie dans ses récits qui habitent encore l’imaginaire de notre culture (W. Benjamin, A. Lacis « journal de Naples », 1925 W. Benjamin, Images de pensée).

Pas moins aujourd’hui que dans la période couverte par l’histoire vaste et panoramique de la Méditerranée décrite par Fernand Braudel (F. Braudel La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Ph. II, Paris, A. Colin, 1949), cette large étendue d’eau est au cœur des contacts économiques et culturels de l’Europe avec l’Afrique et l’Orient. Elle a une importance cruciale pour la poursuite du développement de l’Europe. Les gens voyagent encore au travers d’elle, y font du commerce, y échangent des idées, de temps en temps s’y font la guerre, y pêchent le poisson, la polluent ou se noient en elle.

L’étude d’Istanbul traversera trois échelles. De l’échelle géographique à celle du quartier, elle interrogera plusieurs disciplines, afin de renseigner les étudiants sur les aspects contraignants du projet d’architecture.

  • L’approche géographique, décrite comme ‘quasi immobile’ par Fernand Braudel,permettra de comprendre la position d’Istanbul comme interface et lieu de rapprochement entre les trois continents qui sont limitrophes à la Turquie, mais aussi les rapports de l’homme au milieu. Le fin territoire composé de deux péninsules de part et d’autre du Bosphore, est à la croisée de terres et de cultures différentes, mais aussi un point de passage entre deux mers, la mer Méditerranée et la mer Noire. Centré néanmoins sur la discipline de l’architecture et en se concentrant sur Istanbul à trois échelles, le projet veut étudier les possibles connexions durables parmi les développements contemporains et la richesse persistante des mondes passés.
  • L’approche urbaine permettra de comprendre ‘le temps social’, les différents usages du domaine public et ses améliorations possibles, dans cette ville aux hauts degrés de porosité entre l’espace public et privé, entre nature et culture. Elle s’attardera aussi à l’étude de l’érosion progressive de ceux-ci. C’est à cette échelle que sera étudiée le patrimoine naturel, architectural et vivant en place pour révéler la qualité du contexte écologique (maillage vert et bleu), le haut patrimoine en place (bâti et non bâti) et les aspirations des habitants à sauvegarder et faire évoluer l’identité de leur cité.
  • L’approche architecturale sera celle du ‘temps individuel’, celui de ‘l’agitation de surface’, à l’échelle de quartiers en mutation ou en crise. Elle permettra de se mettre à l’écoute des besoins spécifiques communiqués par des acteurs de terrain et des associations locales.Cette proposition, en se concentrant sur la ville portuaire d’Istanbul, cherche à renforcer des liens à différents niveaux.
    En partageant les leçons connues au centre et au nord de l’Europe et apprises à Istanbul, il s’agira de comprendre les défis et les opportunités de diversités culturelles et sociales à l’histoire longue et complexe. Il s’agira de rencontrer un large éventail de partenaires pluridisciplinaires et trans-sectorielles, en vue de promouvoir la cohésion sociale et la citoyenneté active, donnant aux étudiants un sentiment proche de la réalité pour laquelle ils conçoivent.